Chers collègues, chers amis, Prédire en médecine est une activité quotidienne. Nous chaînons des informations complexes de différentes sources chez un patient pour prendre les meilleures décisions afin qu’il aille mieux ou qu’il survive plus longtemps. Scores, stratification, médecine personnalisée, modélisation, intelligence artificielle… Identifier les différents risques encourus, discuter des méthodes pour les mesurer et tenter d’établir des relations de causalité conduisant à un évènement bon ou mauvais pour le prévenir. Prédire pour agir mieux, c’est tout l’objet de ce 42ème séminaire. Nous discuterons de ce qui est prévisible et de ce qui ne l’est pas ou insuffisamment. Nous tournerons donc autour de ce qui est peut-être simple et déterministe, du hasard et de la contingence. Nous avons conviés des orateurs auxquels nous avons confié la tâche d’être clairs en abordant la complexité des choses. Nous verrons dans différents domaines comment mesurer un risque ou une chance, comment le hiérarchiser, nous décrirons les interactions avec d’autres risques et surtout nous verrons comment le contourner ou le réduire. Nous commencerons par les fondamentaux qui semblent pouvoir être décrits simplement. Le développement du coeur normal et malformé est-il prévisible? Autrement dit, y-a-t-il un programme depuis le gène jusqu’au coeur normal ou à la tétralogie de Fallot ? « L’anatomiste à toujours raison mais trop tard » dit l’adage mais les cardiopathies congénitales ont-elles une essence propre? Une malformation cardiaque est-elle simple ou complexe et cette hiérarchie permet—elle d’en établir le pronostic? De nombreuses maladies héréditaires sont génétiquement hétérogènes-les cardiomyopathies, les arythmies telles que le syndrome du QT long ou les hypertensions artérielles pulmonaires. Sommes-nous capables aujourd’hui d’utiliser le gène ou la variation génétique comme instrument de prédiction du risque ou d’orientation vers une action précise pour un patient ayant un variant donné dans un gène de maladie héréditaire? Les progrès technologiques ont permis de mieux comprendre les différences phénotypiques entre les patients ayant pourtant la même maladie. Des groupes de patients ayant des évolutions superposables ont été construits, des scores de gravité justifiant certains traitements ont été créés, des actions préventives spécifiques à des ensembles de patients ont été développées. C’est la médecine stratifiée. A titre d’exemple, prédire le risque de mort subite dans la cardiomyopathie hypertrophique de l’enfant repose sur des scores composites, les tétralogies de Fallot peuvent être regroupées en catégories distinctes pour mieux les traiter. Nous discuterons de ces outils de prédiction pour savoir s’ils sont pertinents ou perfectibles. Nous achèverons la première journée par des digressions autour de la notion de prédictibilité au travers de facteurs extérieurs au patient lui-même. Les rôles de l’environnement et de l’épigénétique ont pris une part importante dans notre appréhension des choses. La pauvreté sous toutes ses facettes est une source d’augmentation de certains risques, prévisibles par le bon sens pour certains, faussement analysés pour d’autres, surprenants et totalement polémiques. La transmission du savoir évolue, se transforme en mieux, en moins bien, en quelque chose de certainement différent qu’il faut accompagner pour mieux soigner dans l’avenir. La médecine est aujourd’hui habilitée par des technologies émergentes. Les informations que nous obtenons avec les outils technologiques disponibles sont immenses et nous devons apprendre à les utiliser. Les exemples sont multiples depuis les données d’imagerie anatomiques certes mais aussi fonctionnelles, tissulaires, métaboliques, le recueil de données en télémétrie avec des dispositifs connectés et les informations génomiques. Les méthodes de bio informatique, l’utilisation des données de cohortes de patients, le deep-learning produisent déjà des approches nouvelles pour nos patients ayant des cardiopathies congénitales. Cette médecine qui se nourrit de données de tous ordres construit des modèles afin d’anticiper les résultats de nos actions. Nous développerons ce sujet au bloc opératoire avec l’utilisation des scores avant des interventions de chirurgie cardiaque ou au cathétérisme. Une cardiologie congénitale et pédiatrique prédictive et préventive doit se nourrir des informations partagées de tous pour mieux soigner l’individu. Nous espérons que cette thématique de la prédiction allant de l’intime du génome à nos structures sociales produira du savoir émergent et des réflexions collectives fructueuses. Le vendredi 24 mars après-midi sera consacré à la réunion du réseau M3C. Nous vous attendons nombreux les 23 et 24 mars 2023 pour ce séminaire de conversation, joute, dispute, empoignade Ô combien salutaires après trois ans sans avoir pu être avec vous tous en vrai! Damien BONNET Lucile HOUYEL Olivier RAISKY